La face cachée du métier de correcteur freelance
Ces derniers temps, le métier de correcteur a le vent en poupe. C’est vrai, quoi, lire des romans toute la journée de chez soi et être payé pour, ça en fait rêver plus d’un, non ? Autant vous le dire tout de suite, être correcteur va bien au-delà de simplement lire des livres confortablement installé dans son lit. Mais comme les clichés ont la vie dure, j’ai décidé de vous présenter la partie immergée de l’iceberg, histoire que vous sachiez dans quoi vous allez mettre les pieds.
La correction est un vrai métier
Avant toute chose, je tiens à dire que j’adore être correctrice. J’ai toujours voulu faire ce métier, et malgré les différentes tentatives de dissuasion autour de moi, j’ai fini par y parvenir. Mais en le devenant, j’ai découvert des tas de choses que je n’aurais pas du tout imaginées.
Mon but ici n’est pas de dégoûter les futurs correcteurs, bien au contraire. Le monde a besoin de correcteurs et de correctrices compétents. Mais j’ai pu remarquer au fil de mes discussions sur Internet que ce métier était idéalisé par la plupart des gens. On se dit vite que le correcteur en freelance passe juste ses journées le nez plongé dans un bouquin… et c’est tout.
À cause de cette idée reçue, nombreuses sont les personnes à dire : « J’ai toujours aimé lire, alors je suis fait(e) pour être correcteur/correctrice ! » Sauf que cette profession a bien d’autres aspects que je vais vous présenter dans cet article.
On travaille beaucoup, vraiment beaucoup
Je vais surtout parler en tant que freelance, car généralement, un correcteur salarié (normalement) ne travaillera pas en dehors des heures prévues par son contrat. Quand on est à son compte, on ne compte pas ses heures (lol le jeu de mots).
On doit certes effectuer ses missions clients, qui prennent déjà beaucoup de temps pour se dégager un salaire en fin de mois. Mais on doit aussi gérer tout l’aspect administratif de sa microentreprise, s’occuper de la prospection, des échanges avec les clients… L’une de mes clientes, par exemple, m’envoyait jusqu’à vingt messages par jour (véridique !) pour savoir où j’en étais dans mon travail. Et même si je ne répondais pas à tout, cela me prenait énormément de temps.
De plus, quand on choisit une stratégie d’inbound marketing comme moi, on doit également passer un temps fou à animer ses réseaux sociaux et créer son contenu pour attirer les clients.
Bien des personnes sont imprégnées du discours de Tim Ferriss et sa semaine de quatre heures, mais la réalité est tout autre. Et d’autant plus quand on démarre son activité ! Donc, rétablissons la vérité tout de suite : la correction et le freelancing en général ne sont pas une planque pour ne rien faire de ses journées.
Non, on ne lit pas que des trucs cool
Quand je dis que je suis correctrice, j’ai souvent le droit à ce type de réaction : « Mais c’est trop cool, tu dois lire des livres trop bien ! » Pour commencer, un correcteur ne relit pas que des livres. Certains n’en lisent même pas du tout et sont spécialisés dans les travaux universitaires ou dans la presse, par exemple. À titre personnel, les livres ne représentent que 50 % de mon activité.
Parmi ces livres, tous ne sont pas des romans fantasy, comme l’espèrent beaucoup de correcteurs et correctrices en herbe… Et lorsque l’on travaille avec des auteurs auto-édités, tel que je le fais, comment dire… On peut tomber sur le meilleur comme sur le pire. J’ai eu la chance de lire des romans formidables qui mériteraient bien plus de visibilité. Et certains autres étaient une véritable corvée à corriger.
En plus de cela, la lecture pour une correction est bien différente d’une simple lecture « plaisir ». Il faut être attentif à chaque instant pour repérer toutes les fautes possibles et imaginables, mais aussi les incohérences de fond. Sans oublier qu’un correcteur professionnel relira deux fois le texte qui lui est confié.
Au-delà de ça, notre mission implique également de vérifier les informations du texte : l’exactitude d’un nom, le nombre d’habitants d’une ville, une date, un événement historique… Le correcteur doit douter d’absolument tout, aussi bien en matière d’orthographe que de fond. Une petite lecture sympa, vous disiez ?
La galère de trouver des clients
Que l’on choisisse l’inbound ou l’outbound marketing, le problème est le même : il n’est pas forcément facile de dénicher des clients. Surtout quand on démarre son activité ! Tout d’abord, un petit rappel s’impose :
- Outbound marketing : façon de trouver des clients grâce à la prospection directe ou à la publicité ciblée ;
- Inbound marketing : technique qui consiste à créer des contenus pour attirer les clients à soi.
Dans le premier cas, il faut savoir qu’il y a de plus en plus de correcteurs freelances sur le marché du travail. Et qui dit plus grande concurrence, dit plus de difficultés à trouver des clients.
Pour le second cas de figure, il faut énormément s’investir pour créer régulièrement des articles, des posts et/ou des newsletters de qualité. Il faudra être très patient, le temps que ça prenne… si ça prend, ce qui n’est pas toujours gagné, selon l’assiduité et les contenus proposés.
Bref, là encore, je ne veux décourager personne. Mais sachez que si vous souhaitez vous lancer comme correcteur freelance, il faudra vraiment faire montre d’une volonté de fer et d’une détermination dignes de celles de Sacha du Bourg-Palette.
Mais, si aujourd’hui, je n’ai plus aucun souci pour trouver des clients, je ne peux m’empêcher d’avoir toujours peur pour le lendemain. Et si, d’un coup, je me retrouvais sans aucun client ?
Les contraintes et les conflits
Lorsque l’on trouve enfin ses premiers clients, il convient de faire très attention. Un mauvais payeur est vite arrivé, et si l’on n’a pas pris ses précautions avant de commencer la mission, on n’a plus que ses yeux pour pleurer. Évidemment, comme beaucoup de freelances avant moi, je l’ai appris à mes dépens. Ainsi, je vous le dis : faites signer un devis, demandez un acompte ou le paiement total de votre mission avant le rendu. Même – et surtout ! – si le client est très pressé. Évidemment, lorsqu’une véritable relation de confiance finit par se créer entre vous et un client, vous pouvez assouplir tout cela.
Nombreuses sont les personnes à penser que la correction se fait rapidement et qu’elle ne mérite pas forcément d’être rémunérée. Ou bien que faire de la publicité servira de salaire (el famoso paiement en visibilité). Donc, méfiance lorsque vous entamez une nouvelle collaboration.
Les délais peuvent également être assez sportifs. Je me souviens de ma toute première mission de correction, un rapport de stage pour une étudiante. J’avais normalement trois jours pour le relire. Je venais tout juste de m’y mettre quand ma cliente m’a dit, affolée, qu’il lui fallait la correction pour le soir même à dix-sept heures. C’était la panique totale, d’autant que j’avais rendez-vous chez le coiffeur cette après-midi-là. Imaginez la tête des clients du salon lorsqu’ils m’ont vue dégainer mon ordinateur, ma couleur posée sur les cheveux.
Aujourd’hui, je refuse systématiquement de travailler dans l’urgence, mais quand on débute, on n’a pas forcément le choix, et cela peut être une grande source de stress.
Les inconvénients mentaux…
Et justement, il est important de bien s’entourer quand on est indépendant. Je l’ai dit plus haut, le correcteur doit douter de tout. Mais parfois, cela devient extrême et peut lui faire perdre toute confiance en lui. Il a alors peur de mal faire, d’être nul, de ne pas être fait pour ça. Dans ces cas-là, il ne faut pas hésiter à en parler autour de soi, à d’autres correcteurs ou à des freelances de domaines proches.
De plus, il n’est pas rare qu’un correcteur professionnel finisse dégoûté de la lecture. Ce n’est bien sûr pas une généralité, mais j’ai tout de même entendu beaucoup de mes confrères et consœurs confesser qu’ils n’arrivaient plus à lire en dehors de leur travail. C’est également mon cas, je mets plus d’un mois à lire un malheureux livre de poche, contre trois jours pour un pavé de 500 pages dans ma prime jeunesse. Et c’est compréhensible ! Nous passons déjà nos journées à engloutir des kilomètres de texte, alors il devient de plus en plus difficile de s’y remettre pour le fun le soir venu.
… mais aussi physiques
Le correcteur travaille toute la journée sur son ordinateur. Autrement dit, c’est mauvais pour ses yeux et pour son dos. Je crois que mon ostéo ne m’a jamais autant vue que depuis mes débuts de freelance. Et mon conjoint m’a offert une chaise très confortable pour ne plus m’entendre me plaindre de mon mal de dos (depuis, ça va beaucoup mieux !).
C’est à vous de façonner votre espace de travail, alors essayez de le faire aussi ergonomique que possible. N’oubliez pas non plus de prendre régulièrement des pauses pour marcher et faire circuler le sang dans votre corps.
Pour les yeux, effectivement, nous les gardons rivés sur notre écran toute la journée, tout ça pour lire des milliers et des milliers de petits mots. Croyez-moi, il m’est plus d’une fois arrivé d’avoir une migraine à assommer un bœuf en fin de journée. Pour éviter de trop user vos mirettes, qui sont quand même votre outil de travail principal, vous pouvez opter pour des lunettes de repos (à voir avec votre ophtalmo).
Et enfin, la concurrence déloyale
Je garde le meilleur pour la fin, parce que c’est une chose à laquelle je n’aurais jamais pensé en me lançant comme correctrice. Certes, je me doutais qu’il y aurait de la concurrence. Beaucoup de concurrence. Mais je n’avais pas songé à la concurrence déloyale.
Par là, j’entends les correcteurs bénévoles, les étudiants et retraités qui proposent leurs services à des prix cassés, les plateformes de correction low cost… Mais pire que tout, il y a aussi les correcteurs qui se prétendent professionnels alors qu’ils n’ont rien d’autre qu’un bac L et qui viennent vendre leurs services tout en étant incapables de différencier un infinitif d’un participe passé.
Pour le coup, je ne me sens pas menacée par ces correcteurs-là. Néanmoins, je suis profondément peinée pour les clients qui payeront pour ce genre de prestation et qui se retrouveront avec presque autant de fautes qu’au départ. Et malheureusement, tout le monde n’a pas l’œil pour voir s’il a choisi un bon ou un mauvais correcteur…
Donc, si vous êtes un correcteur en herbe et que vous êtes arrivé au bout de cet énorme article, déjà, bravo. Et surtout : formez-vous ! Il existe des tas de formations excellentes en ligne pour devenir un correcteur aguerri, et vous rendrez un fier service à la fois à la profession et à vos futurs clients en apprenant réellement ce métier. Car, malheureusement, il ne suffit pas d’être bon en français et d’aimer lire pour être correcteur ou correctrice…
Article très intéressant. Bravo.
Merci Marianne 😊
Merci pour ce très bel article, inspiré et inspirant…
Merci pour cet article et les conseils qui vont avec. Très bien rédigé et très accrocheur.
Canon cet article ! Et tellement vrai !!!
Merci !
Merciiiiii 😁
Je vous remercie bcp pour cet article très intéressant cela fait des années que j’hesite à me lancer comme correctrice mais je sais bien que c’est un réel métier et qu’il ne s’improvise pas… Vous parlez de formation en ligne pouvez vous m’indiquer à quel endroit je peux me renseigner svp ? Je suis en parallèle votre formation « débloque ton écriture » Car je suis en train d’ecrire mon premier roman. Je vous remercie par avance pour votre réponse.
Bonjour Audrey, merci pour votre commentaire 😊 Pour le moment, je ne connais qu’une formation spécialisée dans la correction, celle de l’ÉMI, mais elle a très bonne réputation, alors je vous la recommande !
Et je suis ravie que vous suiviez ma formation d’écriture, j’espère qu’elle vous aide à avancer 😊
Bon courage !
Trop bien
En effet je me suis détestée de proposer un travail gratuit. Quand j’aurai fini l’EMI, je détesterai les futures moi 🙃
Haha sûrement 😁 Bon courage pour l’ÉMI !
Merci pour cet article, qui montre la face cachée de notre métier.
Pour ma part, je l’ai exercé pendant vingt ans, après avoir fait la formation Coforma pour laquelle j’ai passé trois fois le concours (280 candidats, 14 reçus) et je me suis préparée pendant dix-huit mois. J’ai quatre diplômes universitaires en plus de ma formation de correcteur, alors voir aujourd’hui des retraités de la fonction publique travailler à ma place pour de grandes maisons d’édition pour 5 euros de l’heure, c’est vraiment difficile.
C’est un métier que j’ai passionnément aimé, car j’ai vraiment un amour de la langue, mais aujourd’hui, je ne suis plus sûre que j’arriverais à l’exercer. Je suis désormais scénariste professionnelle, avec d’autres contraintes et d’autres satisfactions, mais je n’oublierai jamais mon travail de correcteur.
Je vous souhaite de continuer ce beau métier autant de temps qu’il vous plaira.
Merci à vous pour votre commentaire Coralie ! Je suis moi-même attristée de voir ce que devient la profession de correcteur… Je vous souhaite beaucoup de succès dans votre nouveau métier en tout cas 😁
réponse à Cocodemontreuil: Merci pour avoir affiché le nom de votre formation. J’aimerais m’inscrire également, si elle existe encore. Je suis aussi correctrice en plusieurs langues, mais j’aimerais encore approfondire ma profession, me perfectionner. Merci encore .
Bonjour, en effet article super !! Je viens de me lancer et c’est vrai que c’est difficile de trouver des clients, j’avoue que je suis un peu perdue.
Pour ma part j’ai suivi la formation VOLTAIRE et passé la certification récemment. J’ai réussi a obtenir 931 points sur 1000, avec le niveau expert, je vous conseille cette formation.
Bonjour,
Merci beaucoup pour toutes ces informations, je viens de passer une première étape qui est de passer le certificat Voltaire, j’attends le résultat. Je souhaite être relecteur-correcteur par la suite, je vais évidemment me former avec la formation MD MOTS. C’est un beau métier et je souhaite une belle réussite à ceux qui envisagent d’exercer ce métier. Bonne route à tous
Françoise Tabary, Valentin : Le certificat Voltaire reconnaît vos qualités en orthographe mais ne fait absolument pas de vous des correcteurs professionnels. Mieux vaudrait vous renseigner sur le site de l’Association des correcteurs de langue française pour avoir une idée des formations sérieuses.